Les coûts n’ont pas fini de monter, prévient le PDG de la Banque Nationale, Laurent Ferreira.

« Les consommateurs verront le coût de se loger monter dans les prochaines années en raison des taux et de la pénurie de logements », a dit Laurent Ferreira jeudi devant plus de 1000 personnes du milieu des affaires réunis pour un déjeuner-causerie organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

On doit tous s’habituer à des taux plus élevés. Le consommateur devra s’ajuster à un coût de la vie plus élevé, à une inflation qui sera collante », a-t-il ajouté.

Également invité sur la tribune, l’économiste en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion, a critiqué Ottawa et écorché la Banque du Canada.

La hausse des taux d’intérêt ne suffit pas à freiner la progression des prix des maisons en raison de la croissance « fulgurante » de la population, a-t-il souligné.

Croissance démographie et inflation

Pour une deuxième année de suite, la population canadienne devrait enregistrer une hausse d’environ un million de citoyens, alors que Stéfane Marion soutient que le pays ne peut accueillir 300 000 à 500 000 individus de plus par an.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L’économiste et stratège en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion

Les mises en chantier n’arrivent pas à suivre le rythme et le marché locatif est en train de s’écraser sous la demande, selon lui.

« Je ne crois pas la Banque du Canada quand elle dit que la croissance de la population n’est pas inflationniste. Elle l’est très certainement à court terme. »

Le stratège critique la politique d’Ottawa d’augmenter les quotas d’immigration en plein resserrement monétaire et se demande s’il est moralement acceptable de permettre des plateformes de location à court terme dans un contexte de pénurie de logements.

Stéfane Marion a réaffirmé que l’inflation est un cancer sociétal en causant une érosion du pouvoir d’achat et un appauvrissement collectif qui frappe durement les moins nantis de la société.

« Ces gens n’ont pas accès à des classes d’actifs protégeant de l’inflation – ils sont moins nombreux à être propriétaires – et doivent aussi faire face à une augmentation du coût de la nourriture et de l’énergie », dit-il.

« La cible de l’inflation devrait être autour de 2 % même si certains politiciens s’insurgent présentement. L’inflation est encore trop élevée. On doit juguler ce cancer », dit-il.

« Il n’y aura pas de croissance en 2024. Attendez-vous à quelque chose de plutôt faible. L’inflation est l’ennemi numéro un. Il y aura un ralentissement au niveau des embauches. »

Dommages collatéraux

Selon lui, un affaiblissement du huard est à prévoir, le marché boursier est vulnérable et il doute qu’on assiste à un atterrissage en douceur de l’économie.

« Les profits stagnent ou sont en décroissance partout sur la planète. » Dans un contexte de resserrement monétaire « presque inédit », il peine à voir comment un analyste peut croire que la croissance peut être relancée à partir de maintenant alors qu’on observe un des resserrements des conditions de crédit bancaire les plus importants de l’histoire des États-Unis.

« Il y aura des dommages collatéraux. Les PME, qui créent plus de 50 % des emplois aux États-Unis, sont aux prises avec un des ralentissements économiques les plus marqués depuis la pandémie combiné avec une nécessité de protéger leur marge bénéficiaire. » La situation lui fait craindre des mises à pied.

Il note au passage que le taux d’épargne a beaucoup baissé aux États-Unis et au Canada alors que les dépenses des consommateurs sont un important soutien pour l’économie.

Prudence et discipline

Laurent Ferreira affirme de son côté qu’on ne voit que le début des refinancements à taux plus élevés en immobilier et pour les entreprises. Il s’attend à ce que les politiques monétaires actuelles demeurent en place en 2024.

On entre dans une période où les liquidités vont croître plus lentement pour tout le monde.

Laurent Ferreira, président et chef de la direction de la Banque Nationale

S’il rappelle que le modèle bancaire canadien est solide et que l’histoire le démontre, il précise qu’il faut rester humble. « Nous avons un bon bout de chemin à faire dans le cycle économique actuel », dit-il.

« C’est le moment d’être prudent. “Discipline” est le mot le plus utilisé à la banque en ce moment », ajoute-t-il.

Laurent Ferreira estime néanmoins que le Québec est bien positionné. « Il y a moins de leviers dans l’économie. Il y a plus de familles à deux salaires. Il y a plus de femmes sur le marché du travail et l’économie du Québec est plus diversifiée que dans le reste du pays. On a une abondance de ressources naturelles et on est au début d’un cycle haussier des ressources naturelles. On a l’électricité la moins chère en Amérique du Nord. Et la plus verte. Le français et le caractère multiculturel du Québec sont des avantages uniques et incomparables en Amérique du Nord. »

Le Québec a toutefois, selon lui, des enjeux de démographie et de productivité plus importants qu’ailleurs au pays. « On doit promouvoir l’investissement et la création d’entreprises et continuer d’attirer du talent. »